Afghanistan : « Tu seras un garçon ma fille »

30 Juin 2013


« Bacha posh » signifie « habillé comme un garçon » dans la langue dari. Le concept : travestir sa fille en garçon pour qu'elle ait accès à plus de libertés. Une aubaine pour les jeunes filles afghanes, privées d'école, et même de travail.


Crédit Photo -- Casper Hedberg
Une affaire de femmes, de filles, ou plutôt de garçons ? Les bacha posh sont le plus souvent issues de familles qui n'ont pas de fils, et qui sont amenées à travestir leurs filles pour leur garantir une vie plus sécurisée. Ces jeunes filles, cheveux coupés, vêtements de garçons, se masculinisent de l'enfance à l'adolescence. À l'âge de se marier (17 ou 18 ans), elles retrouvent leur féminité. Ce déguisement leur offre des libertés qu'elles ne pourraient s'offrir en tant que filles : aller à l'école, travailler, conduire ou même jouer au foot, vendre dans la rue et oublier le voile le temps d'une dizaine d'années.

À la maison, une bacha posh est exemptée des tâches ménagères, mais son identité reste intacte. Certaines familles sont souvent privées de pères ; les guerres ne cessant pas. Résultat : elles ne perçoivent aucune rentrée d'argent, ne peuvent se déplacer pour acheter ou simplement sortir de la maison.

En Afghanistan, vivre au sein d'une famille sans présence masculine demeure impossible. La femme, pour être « respectable » n'a pas le droit de sortir seule : elle est ainsi protégée du monde, des hommes... Pour acquérir cette « respectabilité », elle doit enfanter au moins un garçon. Pour éviter une certaine indignité, les bacha posh entrent en scène.

Une pratique tabou, mais tolérée

Si ce sujet reste grandement tabou pour le peuple afghan, il est connu de tous, et, le plus important : il est toléré. Considérée comme une solution à élever des garçons, cette pratique est acceptée. En Afghanistan, si une famille n'élève pas de bacha posh, elle en connait forcément. Le gouvernement ne recense cependant pas le nombre de fillettes travesties et la pratique est condamnée par les mollahs (titre donné aux personnalités religieuses, aux docteurs de la loi).

Il faut donc comprendre que pour venir en aide aux familles monoféminines, le gouvernement tolère cette pratique. Là est sa solution : fermer les yeux sur des fillettes qui se déguisent en garçon pour venir au secours de leur famille.

Liberté à durée déterminée

Or, cette pratique offre aux fillettes afghanes une liberté à durée déterminée. À la puberté, et l'arrivée des premières règles, elles redeviennent femmes afin de se marier à un homme qui leur est imposé. Un traumatisme pour certaines, qui voient du jour au lendemain, leurs libertés s'envoler.

Mariées et dorénavant femmes, elles doivent s'occuper de la cuisine, du ménage ou encore de la couture. Choses qu'elles n'ont absolument pas apprises pendant leur enfance, puisque leur éducation est copiée sur celle d'un garçon. Le choc est brutal : certaines persistent, mais risquent leurs vies. Très rares sont celles qui restent bacha posh toute une vie.

La situation des femmes en Afghanistan reste une des plus critiques du monde. L'agence Human Rights Watch a récemment rapporté que le « nombre d'Afghanes incarcérées pour « crimes moraux » a augmenté de moitié en un an et demi ».

La défaite est flagrante, notamment via l'incarcération de 600 femmes victimes de viols, ou ayant fui leur foyer. Mais le paradoxe est présent, puisque dans le pays, des femmes jouent un rôle politique. La vice-présidente de l'Assemblée nationale n'est autre qu'une féministe afghane du nom de Fawzia Koofi, et actuellement députée de la circonscription du Badakhchan.



Rédactrice pour Le Journal International, étudiante en 3ème année de journalisme à l'ISCPA. En savoir plus sur cet auteur